Le Messy Middle à l’ère des LLM, du social media et du commerce agentique
Le concept du Messy Middle, théorisé par Google en 2020, décrit la zone désordonnée entre la découverte d’un produit et l’acte d’achat. Dans cette phase, les consommateurs alternent entre exploration (recherche de nouvelles options) et évaluation (comparaison et réduction des choix), influencés par divers biais cognitifs (preuve sociale, rareté, gratuité, familiarité).
Aujourd’hui, avec l’essor des LLM (Large Language Models), le rôle croissant du social media et l’émergence du commerce agentique, ce Messy Middle devient encore plus complexe — et stratégique pour les marques.
Le Messy Middle selon Google : un rappel
- Non-linéarité du parcours : les consommateurs naviguent de façon chaotique entre découverte, comparaison et retour en arrière.
- Deux forces dominantes : exploration (élargir les options) et évaluation (réduire les choix).
- Influence des biais cognitifs : preuve sociale, rareté, gratuité, familiarité influencent fortement la décision.
- Clé du succès : être présent et crédible tout au long du processus.
Par exemple, une personne cherchant une machine à café peut découvrir plusieurs marques via des publicités ou recommandations d’amis, puis comparer les avis sur Amazon, revenir sur YouTube pour voir un test vidéo, avant de retourner sur Google pour vérifier les prix.
👉 Pour les marques, l’enjeu est clair : être visibles, crédibles et persuasives tout au long de ce processus non linéaire.
L’impact des LLM sur le Messy Middle
Les LLM comme ChatGPT ou Gemini modifient profondément les étapes du parcours et la manière dont les consommateurs explorent et évaluent leurs options :
- Exploration démultipliée : un utilisateur peut demander directement « Quels sont les meilleurs aspirateurs pour un appartement de 50 m² avec un chat ? » et obtenir une liste contextualisée en quelques secondes.
- Évaluation accélérée : l’IA compare, synthétise des avis clients et propose des comparatifs structurés, réduisant la charge cognitive.
- Nouvelle source d’influence : les LLM amplifient certains biais (preuve sociale via les avis, rareté via la mise en avant d’offres limitées).
- Déplacement du Messy Middle : une partie de ce parcours se joue désormais dans les interfaces conversationnelles, pas seulement sur Google ou Amazon.
Selon le rapport Adyen Index, en 2025 31 % des consommateurs français déclarent utiliser une IA conversationnelle pour préparer leurs achats en ligne. Cela illustre le rôle croissant de l’IA comme “gatekeeper” de la décision.
👉 Pour les marques : il devient crucial d’optimiser leur visibilité dans l’écosystème IA, via du SEO conversationnel, des données structurées du contenu expert, et en travaillant leur notoriété, ce que l'on appelle le GEO
Le rôle du social media
Les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant dans le nouveau Messy Middle :
- Exploration : TikTok, Instagram et YouTube deviennent des moteurs de découverte massifs. Les tendances et vidéos virales déclenchent l’intérêt.
- Évaluation : avis clients, UGC, influenceurs et discussions sur Reddit ou Facebook renforcent la preuve sociale et agissent comme comparateurs informels.
- Matière première pour l’IA : les LLM s’appuient sur ces contenus sociaux pour alimenter leurs recommandations.
- Boucle sociale-IA : le social nourrit l’IA, et l’IA renvoie vers des sources sociales.
En 2025, 87% des acheteurs français déclarent être influencés par les réseaux sociaux dans leurs décisions d’achat
👉 Les marques doivent investir dans du contenu UGC crédible et travailler leur SMO (Social Media Optimization) autant que leur SEO et leur GEO.
Exemple d’un parcours hybride Social + LLM
Prenons l’achat d’un casque audio
Étape 1 – Déclencheur (Inspiration sociale)
L’utilisateur voit une vidéo TikTok “Unboxing du Sony XM5, le casque qui annule tous les bruits”.Il enregistre la vidéo, curieux → exploration déclenchée.
Étape 2 – Exploration (Social + LLM)
Sur Instagram, il tombe sur une pub sponsorisée pour Bose.
Intrigué, il demande à un chatbot IA : “Comparaison Sony XM5 vs Bose QC45 pour travailler en open space.”
L’IA lui donne un tableau comparatif clair.
Étape 3 – Évaluation (Preuve sociale + LLM)
Sur Reddit, il lit un thread : “Meilleur casque pour home office ?”
Beaucoup recommandent Sony, d’autres vantent Bose.
Il retourne vers ChatGPT et demande : “Résumé des avis clients Sony XM5 vs Bose QC45, avantages/inconvénients.”
L’IA lui résume en 5 points ce que des centaines d’utilisateurs disent → réduction cognitive.
Étape 4 – Renforcement (Social media)
Sur YouTube, il regarde un comparatif vidéo.
Sur TikTok, il tombe sur un micro-influenceur qui montre comment le Sony se plie dans un sac.
Cela renforce la preuve sociale et la confiance.
Étape 5 – Décision d’achat
L’IA lui indique qu’Amazon propose -15 % sur le Sony.
Il clique, voit “Livraison gratuite + retour 30 jours”.
Biais de gratuité + sécurité = déclenchement de l’achat.
Ce qu’on observe :
- Social média : inspire & alimente l’exploration (TikTok, Instagram, YouTube).
- LLM : structure et simplifie l’évaluation (comparaisons, résumés d’avis, recommandations).
- Les deux se nourrissent mutuellement : l’utilisateur va et vient entre contenu social émotionnel et analyse rationnelle de l’IA.
👉 Le consommateur alterne sans cesse entre contenu émotionnel social et analyse rationnelle IA.
L’impact du commerce agentique
Le commerce agentique (achat délégué à des agents IA) change encore la donne :
- Externalisation du Messy Middle : l’agent explore et évalue pour l’utilisateur, puis propose une sélection réduite.
- Nouvelle concurrence : les agents deviennent les gatekeepers, comme Google ou Amazon hier.
- Nécessité de nourrir les agents en données fiables : informations structurées, transparence, avis vérifiés.
- Moins d’espace publicitaire direct : si l’IA choisit pour l’utilisateur, la publicité traditionnelle perd de sa portée.
- Compétition pour la shortlist : l’IA ne propose que 1 à 3 options, accentuant l’effet “winner takes all”.
Les experts estiment que d’ici 2030, plus de 30 % des transactions e-commerce pourraient être initiées ou finalisées par des agents IA autonomes.
👉 Les marques devront optimiser leur lisibilité pour les IA, envisager des intégrations directes et potentiellement développer leurs propres agents.
Impacts pour les annonceurs
Pour être performants dans ce contexte, les annonceurs doivent :
- Être présents partout dans le middle : social, search, IA.
- Optimiser leur SEO & GEO : données structurées, avis authentiques, contenu expert.
- Miser sur l’UGC et les créateurs pour alimenter l’exploration.
- Exploiter les biais cognitifs (preuve sociale, rareté, gratuité, familiarité).
- Réduire les frictions à l’achat (paiement simple, retour gratuit, transparence).
- Repenser la mesure : adopter une vision multi-touch et probabiliste du parcours.
- Développer des intégrations IA : plugins, API, connecteurs
Focus sur le rôle du branding
- Le branding comme raccourci cognitif : notoriété et confiance guident à la fois l’humain et l’IA dans la sélection.
- Des plateformes IA-ready : sites conçus comme hubs de données structurées et de confiance, pas seulement comme vitrines.
- Du storytelling au proof-telling : preuves tangibles (avis certifiés, durabilité, comparatifs transparents) pour crédibiliser le discours de marque.
- Du contrôle à l’orchestration : le branding se diffuse via UGC, influenceurs et communautés ; la marque doit orchestrer plutôt que contrôler.
- Fiabilité pour les agents : une marque solide et reconnue a plus de chances d’être recommandée par une IA.
Conclusion
Le Messy Middle, déjà complexe à l’origine, est aujourd’hui amplifié par trois forces :
- Les LLM, qui simplifient exploration et évaluation tout en influençant par leurs réponses.
- Le social media, qui inspire, crédibilise et alimente les IA en signaux.
- Le commerce agentique, qui déplace le choix du consommateur vers des agents intelligents.
Dans ce nouvel environnement, les marques performantes seront celles qui sauront :
- être visibles et crédibles dans tous les points de contact, humains et IA ;
- structurer leurs données et preuves pour convaincre aussi bien les consommateurs que les agents ;
- investir dans leur branding comme raccourci cognitif et facteur de confiance.
Le futur du marketing n’est pas seulement de séduire les consommateurs, mais de convaincre les IA qui décident avec eux et pour eux.